GRANDS MAMMIFERES FOSSILES ET ACTUELS: METHODE COMPARATIVE
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L'HIPPOPOTAME
Les hippopotames fossiles ressemblaient beaucoup aux hippopotames actuels. Certains étaient plus petits, d'autres plus gros. Ils vivaient non seulement en Afrique mais aussi en Europe. Des hippopotames du type de l'hippopotame nain, mais beaucoup plus volumineux que ce dernier, vivaient en Asie. On n'a pas retrouvé la trace de présence d'hippopotames en Amérique, jusqu'à présent.
L'hippopotame africain actuel (amphibie : il peut rester au moins 30mn sous l'eau, aussi longtemps qu'un cétacé ; il ne nage pas très bien, et préfère courir au fond de l'eau à 10 km/h). Il ne se nourrit pas de végétaux aquatiques, mais d'herbes de la savane, ou de plantes cultivées. Si nécessaire, il parcourt 30km sur la terre ferme au cours de la nuit. Selon certains explorateurs, il devient alors difficile de distinguer, au loin, le grognement de l'hippopotame mâle, du rugissement du lion... Les canines inférieures des grands mâles peuvent atteindre une longueur de 70 cm, à partir de la racine. Un hippopotame mâle peut avoir successivement, au cours de sa vie, des enfants avec une ou plusieurs femelles de sa génération, mais aussi avec une ou plusieurs de ses filles, et même parfois avec une ou plusieurs de ses petites filles. Dans certains cas, un seul individu peut donc être à la fois le père, le grand-père et l'aïeul de l'un ou de plusieurs de ses enfants. Aujourd'hui, peut-être reste-t-il moins de 150 000 individus vivant à l'état sauvage. Au cours de ces dernières décennies, l'hippopotame a été victime, en plus de la demande croissante en viande, de la compétition que lui inflige les hommes qui s'emparent sans cesse de nouveaux territoires pour y faire pousser du riz et du maïs, puis détruisent les pachydermes accusés de saccager les récoltes. Qui plus est, l'interdiction de commercialiser l'ivoire d'éléphant a entraîné une hausse du trafic de celui d'hippopotame et bien sûr une augmentation du braconnage. Ces animaux ont également fui des régions entières du Congo, chassés par la guerre. En Mai 2002, 50 à 60 hippopotames, dont 25 jeunes, 10 nourrissons et au moins un individu de couleur rose, ont été massacrés à la dynamite, au Togo, par un braconnier venu du Ghana voisin, payé par certains paysans locaux...La moitié des individus sont concentrés dans deux pays: la Zambie et la Tanzanie. En Zambie, les hippopotames jugés en surnombre dans telle ou telle région sont abattus massivement et leurs cadavres sont transportés dans un abattoir spécialement constuit pour découper leurs corps ainsi que ceux des éléphants "surnuméraires". Cet animal a donné son nom à un pays. En Bamana, hippopotame se dit "mali". Le Bamana est une langue très utilisée au Mal, notamment par les Bambaras. Au Burkina Faso, un lac a été appelé "la mare aux hippopotames". La production philatélique du Malawi compte au moins 4 timbres différents à l'effigie d'hippopotame(s).
L'hippopotame nain actuel (folivore,amphibie comme le précédent mais plus forestier et plus solitaire). Il a une certaine ressemblance avec le tapir. Aujourd'hui, il en reste vraisemblablement moins de 3000. Ces animaux se nichent parfois dans de véritables terriers creusés dans les berges (chambres de 4'5m de long, 3m de large et 60cm de haut), qu'ils creusent peut-être eux-mêmes, au moins en partie. Une légende africaine affirme que pour éclairer son chemin, la nuit, dans la forêt, l'hippopotame nain se sert d'un diamant qu'il porte dans sa bouche.
Les hippopotames ont été représenté par d'assez nombreuses espèces au cours de leur histoire: il y en avait au moins 8 en Asie, et plusieurs autres avec la même organisation dentaire en Afrique. Les espèces proches du grand hippopotame actuel ont une formule dentaire différente.
Beaucoup d'hippopotames anciens étaient des espèces naines; ils vivaient aux côtés d'éléphants nains, parfois pas plus gros qu'une chèvre, dans des îles de la Méditerrannée: Corse, Sardaigne, Sicile, Malte, les Baleares et Chypre, où vivait un hippopotame pygmée (surnommé "pygmos" par les archéologues) adapté à vivre dans les collines et sur les rochers, un peu comme un cochon mangeur de feuilles. Cet animal a été exterminé par des hommes il y a environ 9000 ans. On a retrouvé un ossuaire gigantesque à l'extrême sud de l'Ile, où ses restes représentent 98% des os de vertébrés. En cet endroit battu par les vents, sans arbre ni arbuste, les victimes étaient rôties au-dessus de feux allumés avec les os de leurs congénères. Les chasseurs ont vraisemblablement dû abandonner le site et même l'île après cette destruction massive. A certaines occasions , ses troupeaux ont peut-être été précipités du haut d'au moins deux falaises, puis pêchés par des harponneurs embarqués préalablement au rabattage des victimes. D'autre part, la découverte de restes d'hippopotame nain calcinés aux os cuits et ouverts (vraisemblablement pour en consommer la moelle) permet de conjecturer une présence humaine à Malte dès le Paléolithique, contrairement au dogme en vigueur édicté par les milieux de l'archéologie officielle jusqu'à présent. Les plus grands hippopotames étaient:
Son apparence était très proche de celle de l'hippopotame actuel, (différence de taille exclue). Il possédait également une vue stéréoscopique, avec des yeux pouvant rester hors de l'eau quand le reste du corps était totalement immergé. Il est vraisemblable que, comme son congénère actuel, il avait tendance, sous les rayons du soleil, à perdre son eau 5 à 7 fois plus vite qu'un homme, la sorte de gelée couleur de sang qu'il secrète alors n'interdisant que très provisoirementle passage des rayons ultraviolets. Par contre, elle permet à l'animal, grâce aux antibiotiques qu'elle contient, de cicatriser et guérir des blessures particulièrement profondes, très facilement et très vite. Cet animal gigantesque a disparu peu après l'apparition de l'homme moderne en Afrique de l'Est, il y a 170 000 ans. Sa vraisemblable extirpation par l'action de ce dernier a coïncidé avec celle d'une faune et d'une flore très riches en partie associées à sa présence. Toutes les espèces d'hominidés différentes de l'homme moderne s'éteignirent aussi à cette époque... On ne sait pas s'il a existé des hippopotames d'un volume comparable à celui d'une baleine, comme cela fut le cas pour des rhinocéros à long cou il y a 30 millions d'années dans les vallées himalayennes, et des éléphants en Chine, il y a 5 millions d'années. Au Moyen-Orient, on travaille l'ivoire d'hippopotame depuis le Pléistocène supérieur. L'hippopotame égyptien était appelé par les Grecs "cheval du Nil": hippos = cheval, et potamos = fleuve (Potamiène, martyre chrétienne sous l'Empire Romain, portait un nom qui signifiait "la fille du fleuve"). Le voyageur grec Hérodote en donne une étonnante description, qui fait douter qu'il en est jamais réellement vu un en face de lui. Il prétend en effet que cet animal avait une queue, une crinière et un hennissement comparables à ceux du cheval. Il est vrai qu'il lui attribue également des sabots de boeuf... Il était considéré par les pharaons comme "ennemi des dieux",animal maudit, de mauvais augure, émanation et représentant du Nil, qui affronte librement Pharaon de puissance à puissance. L'hippopotame a en effet un rôle de premier plan aux moments clefs de l'histoire de l'Egypte antique. Il est symptomatique que cet animal facilement apprivoisable ne l'a été en aucune façon par des domesticateurs tous azimuts (plusieurs espèces d'antilopes, hyènes, crocodiles, grues, pélicans, et même girafeaux et éléphanteaux). Il ne peut donc s'agir, en l'occurence, que d'un clair rejet culturel, en rupture avec un passé beaucoup plus harmonieux et symbiotique, comme nous le verrons quand nous évoquerons la période préhistorique d'un Sahara vert et marécageux. C'est un hippopotame qui tua Ménès, le premier pharaon, alors que celui-ci lui donnait la chasse. Ménès, fondateur de la première dynastie, bâtisseur de la ville de Memphis, était le garant de l'ordre du monde aux yeux de ses sujets. Grand bâtisseur, il fut aussi le premier "dompteur" du Nil, par des barrages, des canaux, des assèchements de portions de lit du grand fleuve. Sa "défaite" face au gros animal fut ressentie comme doublement bouleversante car elle entraîna aussi une période de chaos politique, dont tirèrent profit les communautés du Nord du pays, et qui débouchera sur un certain équilibre entre hommes et femmes dans la société egyptienne, ce qui constituait une révolution très profonde (le mythe d'Isis, que nous évoquons plus bas, est l'expression d'un compromis entre ces populations dirigées par des reines et le pouvoir pharaonique imposé par les envahisseurs venus du Sud). A cet égard, il est notable qu'à partir de cette époque, l'hippopotame mâle est plus que jamais éxêcré, mais la femelle se retrouve divinisée et adorée, sous les traits de la déesse Thouéris. Nous reviendrons sur la personnalité de cette étrange déesse, révélatrice de la perception des anciens Egyptiens de la féminité. On peut ajouter que la truie, bien que dévorant certains de ses petits quand elle a une portée trop nombreuse, et prenant, dans le panthéon, la dimension terrifiante d'une dévoreuse d'astres, n'en est pas moins considérée comme porteuse d'espérance, car les étoiles, dévorées le matin, sont réenfantées le soir... Le cochon noir mâle, lui, est honni. Comme l'hippopotame du même sexe, il est associé à Seth, et c'est sous cette forme que ce dernier blessa Horus à l'oeil. La Lune, qui est un des yeux d'Horus, fut ainsi périodiquement arrachée et dévorée par ce sanglier cannibale et redoutable. Il serait intéressant de savoir quel est le rapport des égyptiens à l'ânesse, l'âne étant perçu de façon extrêmement négative... Un crocodile ayant sauvé le Pharaon lors d'une pêche (à l'hippopotame?),ce grand roi fut l'initiateur d'un culte particulier voué à ces animaux dans une cité spécialement bâtie dans ce but, où les sauriens vivaient comme de véritables animaux de compagnie particulièrement choyés, appelée Crocodilopoli par les Grecs). Il fut, après sa mort, fréquemment représenté, sur les bas reliefs, comme un crocodile qu'un hippopotame saisit dans sa gueule. Il n'y a guère de place pour l'équivoque : dans certaines scènes de chasse, les harponneurs sont réprésentés s'acharnant tous sur l'hippopotame, épargnant le crocodile, pourtant tout proche de lui...Les successeurs de Ménès sont tous de grands chasseurs, de lions comme d'hippopotames. Ces derniers sont assimilés à Seth, dieu du conflit et du désordre... Dans les scènes nilotiques ornant les chapelles funéraires, l'animal est hostile au défunt et susceptible de perturber sa vie dans l'au delà. Il s'apparente à un véritable "dévoreur d'âmes", au même titre que le jaguar dans la culture meso-américaine.Tuer un hippopotame, c'est anéantir certaines forces maléfiques. Cette approche des choses continue à prévaloir aux époques de domination grecque puis romaine du pays. D'autre part, une cérémonie spécifique à la première dynastie, est celle du harponnage de l'hippopotame, chaque année à pareille époque, en souvenir de la mort du roi fondateur. A cette occasion, le roi mettait à mort un hippopotame mâle, de couleur blanche. Le choix d'un animal de cette couleur n'est évidemment pas dû au hasard. Contrairement aux éléphants, animaux sacrés dans l'ancien Royaume du Siam, nous savons que les hippopotames sont considérés par les égyptiens comme des ennemis des dieux, des semeurs de chaos. Plus encore, l'éléphant blanc, 1000 fois plus rare que ses congénères, est encore plus sacré qu'eux, son existence étant considéré comme un fruit miraculeux. Il représente la force de la monarchie siamoise. Sans lui, celle-ci dépérit. A l'inverse, l'hippopotame blanc représente la puissance du mal dans toute sa densité, sa puissance et sa violence. Son existence est encore plus sacrilège que celle de ses congénères. Ce type de considération nous ramène aux massacres sacrificiels préhistoriques : Les Siamois sacralisent tous les éléphants, et les blancs plus que tout autre, les Indiens d'Amérique chassent les bisons, mais le bison blanc bénéficie d'un tabou (nul ne sait quel était le statut du mammouth blanc chez les chasseurs préhistoriques de la culture des pointes de Clovis), alors que chez les égyptiens, l'hippopotame blanc est au coeur de l'abomination. Les représentants institutionnels de la 1ère dynastie, mortifiée dans sa chair par le géant, vouent probablement à cet animal une éxécration comparable à celle du capitaine Achab pour le cachalot blanc Moby Dick, dans le célèbre roman d'Hermann Melville. Rappelons que les fameuses "hécatombes" que réalisaient les sacrificateurs romains consistaient en l'égorgement de 75 taureaux blancs...Et dans un magnifique dessin animé japonais, "Princesse Mononoke" (1997), qui résume superbement la confrontation entre hommes et animaux géants gardiens de la forêt, ces derniers (loups et sanglier géants) sont tous blancs. Ils appartiennent à la fois au monde des animaux et à celui des dieux... Le sanglier gigantesque y subit un véritable massacre sacrificiel, qui rappelle la tuerie d'une baleine...
Par ailleurs, le mythe d'Isis, petite déesse locale du delta qui deviendra plus tard la superstar de l'Antiquité, montre la complexité ultérieure des rapports entre les égyptiens et cet animal, lié au compromis idéologique entre les groupes patriarcaux du Sud et les communautés du Nord dirigées par des reines, qui se réconcilient en délivrant à cet animal la fonction de victime émissaire: Osiris, Roi des Dieux et mari d'Isis, est déchiqueté et noyé par son frère Seth, qui s'est transformé en hippopotame pour l'occasion, précisent les textes égyptiens. Dans un deuxième temps, Horus, fils d'Osiris, vient au monde du fait de la gracieuse intervention d'un crocodile, qui le portera sur son dos pendant son enfance. Dans un troisième temps, Horus, désormais un jeune homme dans toute sa vigueur, et Seth, le Dieu "mauvais", s'affrontent dans le Nil, ayant tous deux pris la forme d'un hippopotame. Isis, voulant sauver Horus, harponne son fils par erreur, et retire bien vite son arme du corps meurtri de ce dernier. Puis elle parvient à atteindre Seth, mais renonce à l'achever et retire une nouvelle fois son harpon. N'est-il pas son propre frère? Horus, dépité, surgit des flots et, de sa gueule gigantesque, décapite alors sa mère ! Il épousera ensuite la déesse Hathor, qui est Isis ressuscitée à qui Thot a offert une tête de vache de remplacement. Horus est représenté, dans les temples du Nouvel Empire, abattant rituellement l'hippopotame, apparenté à Seth, son concurrent pour le trône... Osiris et Isis, bâtisseurs d'une société pacifique fondée sur l'agriculture et le"petit élevage", meurent tous deux attaqués par des hippopotames. Le mythe d'Isis montre d'autre part toute l'ampleur de la défaite des successeurs immédiats de Ménès face aux reines du delta. Les divinités masculines sont insignifiantes, incohérentes et peu avisées. Osiris exprime la bonté qui ne s'appuie sur aucune force. Seth n'est que violence et cynisme. Horus n'est que le commis (souvent maladroit et incompétent) de sa mère. Rê, totalement prisonnier d'un conservatisme institutionnel rigide et souvent lamentable, multiplie les choix les moins recommandables, par inertie, mesquinerie et lâcheté. Il ne sauve l'Institution pharaonique qu'en acceptant finalement (après quatre-vingts ans de manoeuvres dilatoires destinées à lui nuire) le candidat d'Isis, à l'issue d'une cinglante défaite personnelle face à cette dernière. Tout au contraire, les divinités féminines: Hathor, Sekhmet, Isis, sont des personnalités très fortes, indépendantes, déterminées. Elles apparaissent fréquemment sous la forme d'animaux particulièrement redoutables: lionnes, cobra femelle... Elles ne sont fréquemment que la continuation les unes des autres: Hathor mute en Sekhmet, qui évolue en une autre lionne, "la lointaine", pour devenir la douce chatte Bastet une fois revenue au pays. Il existe même une déesse scorpion, considérée comme très bénéfique, au même titre que les autres déesses. Celles-ci font l'objet d'un culte tout particulier, où la terreur -justifiée- à leur endroit est tout aussi importante que leur adoration: Sekhmet, "la puissante", est "plus glorieuse que l'Ennéade", mais il faut une cérémonie spéciale de protection et de conjuration pour que la couronne de Pharaon, censée être le symbôle le plus fort du rayonnement de celui-ci, et où elle trône sous forme d'un cobra femelle, devienne inoffensive pour le Roi! Les égyptiens se prosternent devant le principe féminin pour jouir de ses bienfaits, mais au moins autant pour conjurer ses menaces. A cet égard, il est intéressant de se pencher sur le cas de Thouéris, déesse hippopotamocéphale, protectrice des femmes enceintes et des nourrissons, adorée par le peuple tout entier, à tel point que l'on a retrouvé des amulettes à son effigie à Tel Amarna, la cité d'Akhenaton le révolutionnaire monothéiste, qui ne put empêcher son peuple de rechercher la protection de cette divinité malgré ses efforts d'en finir avec le panthéon égyptien traditionnel. Les jeunes mères donnaient d'ailleurs volontiers le nom de la déesse à leur enfant. THOUERIS, ENORME ET BLANCHE. Ainsi, les populations du Sud sont donc amenées, manifestement sous la pression des évènements, à considérer officiellement l'hippopotame femelle comme un élément positif de leur Panthéon. Mais quel est leur véritable sentiment à son endroit ? Dans les périodes les plus anciennes, il existait, dans les régions du haut Nil, de très nombreuses déesses hippopotames, souvent représentées gravides. Douze de ces déesses étaient groupées en collège, chacune d'entre elles exerçant sa protection à tour de rôle, chaque mois. Le delta du Nil constituait un milieu écologique particulièrement propice à l'établissement d'un culte vigoureux de la déesse-mère. Région de très grande fertilité végétale et animale (poissons), il représentait à merveille le mystère et la profusion des eaux primordiales. Et dans ces lagunes, deux animaux monstrueux dont les femelles faisaient preuve d'un instinct maternel remarquable (le crocodile et l'hippopotame) régnaient en maîtres. La plus ancienne de ces déesses hippopotames était Ipet. Elle était à la fois la mère et la compagne d'Amon, dont le nom signifie "le dieu caché". Remarquons ici que jusqu'à nos jours, en Zambie, dans les populations Lozi, les esprits des chefs morts sont qualifiés d'"hippopotame caché". Amon, à cette époque, n'a rien d'une divinité solaire, et se rattache, tout au contraire, à la Terre et la fertilité. Son attribut est l'Ankh, une petite croix ansée qui signifie "LA VIE", symbôle du souffle vital dont se munira Thouéris, descendante d'Ipet dans le Panthéon égyptien. Ipet habite dans l'horizon, et tend à se confondre avec celle-ci. Elle est alors "l'Invisible", compagne du "dieu caché". Il est à cet égard symptomatique de constater à quel point a été systématique la volonté de camoufler le caractère de divinités primordiales des hippopotames par les Egyptiens des premiers temps de l'époque pharaonique, qui ont tout fait pour dissimuler leurs traits et brouiller les pistes... Comme l'hippopotame égyptienne fusionne avec l'horizon, la vache hindoue fusionne avec l'Aurore. Elles sont toutes deux à la fois "la mère qui enfante les dieux" et "la maison des dieux et des hommes". L'hypothèse d'un "pacte lacté" entre hippopotames et populations du delta au cours de la préhistoire se trouve renforcée par cette comparaison...La fille d'Ipet et d'Amon sera Nout, plus tard considérée comme la déesse mère, matrice du monde et des êtres. Ipet est donc la matrice des matrices, la mère des mères. Les populations du delta, qui la situent ainsi dans leur dispositif mythologique, s'inscrivent donc naturellement en filiation par rapport à elle. Ils se considèrent collectivement comme les descendants de l'hippopotame femelle, comme d'autres peuples, sur d'autres continents, se considèrent comme les fils de l'ourse ou de la louve... Les égyptiens ont chercé à cacher sa véritable nature en inventant une créatrice du monde aux traits de jeune femme, Neît, qui tire l'Univers du chaos primordial, en surgissant de l'Océan primitif qui retient dans ses ténèbres une Terre en devenir. cette divinité naît par sa propre volonté, sans l'aide de personne (comme le fera plus tard le Leviathan hébreu). Ipet cède la place à Thouéris, à l'époque de la construction du mythe d'Isis et de l'inauguration de la cérémonie du harponnage. Thouéris est devenue la concubine de Seth, après que celui-ci ait répudié Nephtis, coupable d'adultère auprès d'Osiris. Elle appartient donc bien, originellement, au monde du chaos, du désordre, de la destruction. Elle est d'ailleurs considérée à la fois comme une déesse et une démone. Elle abandonnera assez vite son compagnon, dont elle dénonce les choix, et rejoint le camp d'Horus (c'est-à-dire, avant tout celui d'Isis; Rê, Dieu du Soleil, soutiendra Seth, pour sa part, jusqu'au bout...) L'unité fondamentale du principe féminin est parfaitement résumée à travers cette divinité. Possédant constamment des seins de femme, elle est aussi munie de pattes antérieures de lionne, évoquant ainsi Sekhmet. Dans certaines représentations, sa tête d'hippopotame est remplacée par celle d'une vache couronnée du disque solaire à cornes, ou d'une femme, claires allusions à Hathor et Isis. De plus, liée à l'élément liquide, elle est la déesse des eaux purs, là où le Nil franchit une épaisse barrière rocheuse. Dans cette fonction, elle peut se changer en une jeune fille coiffée de lourdes boucles et couronnée du disque solaire à cornes reposant sur un diadème orné de l'uraeus, l'oeil-cobra, symbôle d'Hathor. Au fond de la vallée des Reines, l'entrée d'une grotte semble avoir pour gardiennes, des rochers dont la forme évoque une tête de vache d'une part (Hathor) un hippopotame d'autre part (Thouéris). Cette déesse peut parfois revêtir explicitement un caractère néfaste. Quand un individu a des problèmes ou une maladie, et qu'il demande quelle divinité offensée est responsable de ses ennuis, il peut parfois lui être répondu que c'est une manifestation de Thouéris. Celle-ci se présente volontiers comme "LA TRUIE qui attaque avec sa voix et qui dévore quand elle s'approche de celui qui élève la voix et qui pousse des cris, mais qui protège celui qui sort de son corps. Je suis Thouéris dans sa PUISSANCE (or, Sekhmet est qualifiée "la puissante), celle qui combat pour ce qui lui appartient et qui repousse ceux qui font violence à son fils Horus" (qui a pour mère Isis!). Elle peut aussi se présenter comme un avatar de sa glorieuse ancêtre, la déesse hippopotame préhistorique, terrifiante et impitoyable: "Je suis Ipet qui réside dans l'horizon, et dont le couteau protège le Maître de l'Univers, la Maîtresse que l'on craint, celle dont l'aspect est orné et qui décapite ceux qui se rebellent contre lui". Thouéris est appelée "la Grande" et "la Blanche". Comment ne pas voir ici une allusion à l'hippopotame blanc, sacrifié par Pharaon lors d'un rituel annuel d'éxêcration que nous avons évoqué plus haut, et celà n'indique t-il pas à son endroit une terreur et une détestation rentrées ? Thouéris est de plus représentée habituellement le dos recouvert d'une dépouille de crocodile. Mais, dans un curieux jeu de rôle que l'on retrouve dans la culture meso-américaine, la dépouille se révèle être un crocodile bien vivant, que la déesse transporte simplement sur son dos. C'est notamment le cas dans les représentations des constellations. Avatar d'Ipet, elle est "la Maîtresse de l'horizon", et son dos coîncide aux étoiles de la petite Ourse et du Dragon, qui ne se couchent jamais. Dans toutes les anciennes représentations égyptiennes du firmament, son image est toujours plus grande que les autres, et elle est généralement située au centre. Thouéris porte sur son dos Sobek, le Dieu crocodile, qui est l'un de ses compagnons intimes, et lui-même porteur du monde. Thouéris est la préfiguration d'un SuperAtlas, porteuse du Porteur, comme Ipet était la Mère de toutes les mères...Ces représentations du monde céleste font d'ailleurs écho à celles du paradis terrestre tel que le conçoivent les populations du delta aux périodes neolithique e predynastique, où l'hippopotame est lui aussi à la fois le plus volumineux et positionné au centre. De ce point de vue, en Egypte, le paradis terrestre préhistorique et le paradis céleste pharaonique tendent à la consubstantialité, comme si s'exprimait à cette occasion une inextinguible nostalgie... Thouéris est aussi porteuse d'un crocodile bien vivant quand la déesse SACRIFIE UN PRISONNIER, face à un lion mâle accomplissant la même besogne, et de la même façon que Pharaon lui-même assume cette tâche, tel qu'on peut le voir à de très nombreuses reprises sur les bas-reliefs. Sur une autre représentation réalisée sur le même type de support (ivoire "magique" ou "prophylactique"), un griffon est encadré de deux divinités, l'une à l'apparence léonine, l'autre étant Thouéris, munies de couteaux géants, s'apparentant ainsi aux "génies couteliers" de la terrible Sekhmet... D'autre part, cette déesse est très présente dans le royaume des morts, où elle est parfois représentée en discussion avec le défunt, à qui elle assure la protection future de la famille de celui-ci. Par ailleurs, les âmes des morts ayant mené une vie immorale sont engloutis par la déesse Ammut, appelée aussi la "dévorante", un monstre à tête de crocodile, pattes antérieures de lionne et arrière-train d'hippopotame femelle. Tout indique que ce personnage n'est autre qu' une forme mutante deThouéris, dont la tête est celle du crocodile "rétractable et multi-usages" qu'elle transporte sur son dos. Comme l'hippopotame mâle peut perturber le chemin du défunt dans le monde des morts, et devenir un dévoreur d'âmes "innocentes", l'hippopotame femelle est une dévoreuse régulière d'âmes "mauvaises". Alors qu'elle adopte un comportement complaisant, sous son apparence habituelle, avec les défunts qui ont réussi leur examen de passage, elle a préalablement agi de façon symétriquement inverse avec les recalés, telle "la truie qui dévore"..."Ipet"...Son tableau de chasse d'égyptiens est à ce titre infiniment plus impressionnant que celui de la lionne Sekhmet, qui avait pourtant, en une occasion, perpétré un massacre d'une ampleur telle que l'humanité avait été sous la menace d'une disparition pure et simple. Plusieurs représentations du monde des morts font d'ailleurs "tomber le masque". La dévorante y est illustrée en hippopotame femelle (tête comprise). Et sur une pièce du mobilier funéraire d'une tombe de la vallée des rois, Thouéris arbore une tête de lionne rugissante... "Enorme et blanche..." Ainsi, les yeux écarquillés de terreur à sa seule évocation, un matelot du Pequod décrit-il le cachalot blanc Moby Dick dans le célèbre roman d'H. Melville. Il y a fort à parier que les égyptiens des régions méridionales de l'Ancien Empire étaient plus proches de ce type de sentiment à l'égard de Thouéris, que de l'adoration confiante qu'ils semblent lui offrir, comme on le fait à l'égard d'une mère aimante et protectrice... Comme le Jaguar dans la civilisation Olmèque, qui semble s'être démultiplié, dans les cultures mexicaines postérieures à cette civilisation fondatrice, en plusieurs divinités conservant certains de ses attributs essentiels tout en le rendant méconnaissable (comme l'a démontré C. Duverger), la déjà très complexe Thouéris de la civilisation égyptienne semble subir le même processus évolutif. Il s'agit de l'équivalent anthropologique de la mitose d'une divinité originelle, doublée d'une hypermétamorphose de ses descendants. Ainsi, la Grande Déesse semble se retrouver, à divers degrés, exprimée à travers des monstres de l'Ancien Testament, comme Behemoth, et plus encore Leviathan, Maître de l'Océan primitif, où le binôme hippopotame/crocodile se masculinise, mute dans son aspect, et se dilate jusqu'aux dimensions et au comportement d'un cachalot géant.... Une étude comparative détaillée offre de nombreux indices convergents en la matière. Comme Ipet est préexistante à l'institution pharaonique, Leviathan est préexistant à Dieu. Thouéris est une création du système pharaonique, visant à faire écran à Ipet, et Behemoth est la première créature de Dieu, ayant probablement le même but vis-à-vis de Leviathan. Mais Dieu ne peut cacher sa fascination et son admiration pour l'être qui le précède, et le fait savoir à Job dans des versets d'une poésie ruisselante et illimitée...3600 ans plus tard, le romancier H. Melville, sans s'en douter un instant, a peut-être régénéré "La Blanche" égyptienne sous le masque de Moby Dick, "énorme et blanche"... Il est vraisemblable que les images de l'hippopotame et du jaguar subissent une mutation homologue parce qu'ils représentent des éléments fondamentalement de même nature, chacun étant à l'origine d'un sidérant traumatisme historique impliquant une rupture dans l'appréhension générale du monde.Et les grecs restent interloqués et perplexes devant des divinités à corps humain et tête animale, qualifiant la religion s'exprimant de la sorte de "zoolâtre" à défaut de la comprendre, 2000 ans avant l'effarement des espagnols de Cortès à Mexico, pour des raisons analogues. Sans entrer dans le détail d'un élément ne relevant pas ici directement de notre propos, disons simplement ici qu'au Mexique, les guerriers sacrificateurs l'ont emporté sur les agriculteurs, dont ils se sont appropriés le panthéon en durcissant considérablement les traits de ses représentants, débouchant sur une véritable thanatocratie, alors que ceux des régions égypto-soudanaises du Nil n'ont pu venir à bout des "fils et filles de l'Hippopotame" du delta, la mégalomanie sacrificielle s'effondrant à la fin de la première dynastie... Le secret de la victoire, a priori surprenante, de ces derniers, réside vraisemblablement dans leur adoption au niveau social de la "sagesse" de leur animal totem, dans le sens shamanique du terme (voir plus bas), qui s'exprime à travers des caractéristiques adaptées à une défense efficace aux agressions extérieures. Thouéris fut donc aussi,et peut-être surtout, la synthèse de divinités antérieures, à double niveau. Elle fut,d'une part, la chimère des trois animaux les plus redoutés des populations nilotiques (et à ce titre représentait la quintessence de la monstruosité destructrice) mais dont chacun exprimait une dimension fondamentalement positive pour les Egyptiens: l'hippopotame femelle, adorée depuis la nuit des temps pour sa capacité exceptionnelle à protéger sa famille, quitte à une utilisation en cas de nécessité d'une grande violence et d'une fureur maternelle exaltée pour assurer effectivement cette protection, la lionne, qui allait prendre les traits de la si terrible et si indispensable Sekhmet, et le crocodile, sauveur de Ménès, accompagnateur d'Horus dans sa prime jeunesse, et plus encore porteur, et donc soutien, du monde entier. D'autre part, elle résume, au moins à titre d'avatar, les déesses hippopotames préhistoriques et prédynastiques, véritables déesses-mères desquelles toute vie procède, qui surent , bien avant Sekhmet, défendre implacablement le Monde des Dieux contre les agressions des hommes, le combat d'Isis constituant, de ce point de vue, une réaffirmation de ce principe de protection des sociétés végétalistes face aux guerriers sudistes porteurs d'une cosmogonie de prédateurs inrassasiables. Mais la coloration et la tonalité religieuse de Thouéris, issue du compromis de cohabitation entre ces guerriers et leurs opposantes nordiques, n'est plus celle de ces ancêtres. Ipet est proche, fonctionnellement, de la vache hindoue, et protège des communautés qui s'inscrivent naturellement dans sa filiation. Cet aspect est quelque peu dissimulé chez Thouéris, à qui est ajouté, par contre, des principes comparables à ceux du jaguar meso-américain... Isis, comme nous l'avons vu plus haut, refuse clairement, par deux fois, le meurtre sacrificiel de l'hippopotame, ce qui est un indice supplémentaire d'un attachement originel de type filial des populations du delta à l'endroit des représentants de cette espèce, interdisant tout meurtre, identifié à un parricide ou un marricide, (et contrairement à Uitzilopochtli, Dieu Aztèque de la Guerrre, qui n'hésite pas à arracher le coeur et à démembrer sa propre mère, après avoir agi de la sorte avec sa soeur aînée), et renforcent la probabilité qu' à l'époque prédynastique, ces sociétés constituaient des "cultures de l'hippopotame", qui vivaient en bonne intelligence avec l'animal, comme c'est le cas aujourd'hui en Inde du Sud avec les cultures du Tigre. L'étude des tombes est instructive à cet égard. On a découvert dans l'une d'entre elles, à Hiou, une statuette d'hippopotame en céramique, qui remonte à plus de 7000 ans. D'autre part, on a retrouvé les restes de cet animal mêlés à des ossements humains dans des tombes de populations habituées à pratiquer ce type d'associations entre leurs défunts et leurs animaux domestiques ou de compagnie. L'hippopotame étant facilement apprivoisable, même adulte, le temps de grossesse étant court pour un animal de ce volume (8 mois), on ne peut pas exclure une symbiose plus intime avec ces animaux, une forme de pacte lacté ou lacto-sanguin, par échange de fluides biologiques permettant de transcender les différences entre espèces, comme le pratiquent les pasteurs peuls avec leurs vaches. Les égyptiens pratiquaient d'ailleurs le sevrage des porcelets en substituant à sa mère un éleveur qui nourrissait pendant un certain temps le jeune animal au bouche à bouche avec du lait.
A la fin du Moyen-Empire, l'Egypte est envahie par les Hyksos, populations guerrières vraisemblablement originaires du moyen-orient. La domination de ceux-ci sur le pays durera au total plus de 200 ans. Il s'agit probablement de l'évènement climatérique de l'histoire de l'Egypte Antique, car, en se libérant des oppresseurs, le pays va aussi rompre avec lui-même. En effet, les Hyksos, peut-être par souci d'humilier les vaincus, choisissent le culte du Dieu Seth. Pour eux, l'hippopotame devient un animal sacré. En agissant ainsi, les envahisseurs se font les héritiers des plus anciennes traditions du Delta. Ils installent leur capitale, Avaris, sur un bras du Delta, à peu de distance de la mer Méditerrannée. Il y a donc là, à l'évidence, un souci symbolique de légitimité (et pas seulement économique). Pendant plus d'un siècle, les égyptiens ploieront sous le joug sans réagir, seule la ville de Thèbes (nettement méridionale) conservant certaines prérogatives, tout en étant vassale d'Avaris. La guerre de libération de l'Egypte par les Thébains, avec à leur tête une véritable Jeanne d'Arc égyptienne, Ahotep, et son époux Séqen, aura comme déclencheur ("la goutte d'eau qui fait déborder le vase") la demande du souverain Hyksos que les Thébains abolissent la chasse à l'hippopotame... Le totalitarisme tatillon des Hyksos est à comparer à celui des empereurs bouddhistes Maurya en Inde, au 3ème siècle avant notre ère. Le plus célèbre d'entre eux, Ashoka, imposa à son peuple le végétarisme, organisa sur le territoire de véritables réserves naturelles intégrales, interdit la chasse et les sacrifices d'animaux. Il est symptomatique qu'en 180 avant notre ère, date du renversement du dernier empereur Maurya, la première mesure prise par le nouveau pouvoir fut le rétablissement du sacrifice du cheval blanc, aussi fondamental aux yeux des Hindous que l'était celui de l'hippopotame aux yeux des égyptiens, et dont les caractéristiques font probablement de lui le sacrifice animal le plus long, le plus dense et le plus complexe jamais élaboré dans l'histoire humaine. Etrangement, l'empereur Hyksos, Apophis, porte le même nom que le serpent qui menace la barque du Soleil, et qui ne voit ces noirs desseins déjoués que par la présence vigoureuse de .... Seth! Ahotep, nouvelle Isis (mais sudiste cette fois) résistante et triomphatrice à travers son fils Kamès, rompt définitivement le pacte préhistorique entre l'Egypte et l'hippopotame. Et c'est en utilisant les vertus de ce dernier, ironie de l'histoire, la lucidité, le courage, la détermination, qu'elle parvient à son but, vertus qui avaient été si utiles à ses ancêtres du Nord pour maintenir le pacte contre tout espoir... En 1570 avant notre ère, l'Egypte de Thoutmosis III est au faîte de sa puissance. L'hippopotame mâle Hyksos se soumet symboliquement à Pharaon. Il devient en effet, sous la forme d'une divinité hippopotamocéphale à corps d'homme, le gardien de son tombeau, comme un délinquant repenti qui entre dans la police. Sa statue est recouverte de peinture noire, qui est pour les égyptiens, la couleur de l'espérance.
Ceci étant, l'hippopotame reste notoirement détesté dans certaines régions. C'est le cas à Edfou, située très au Sud du pays, et donc très proche, culturellement, des communautés patriarcales et guerrières qui avaient imposé Ménès et l'institution pharaonique aux populations du Delta. L'animal y subit une véritable campagne d'extermination. Des "harponneurs sacrés" sont spécialement recrutés pour cette besogne. Ils utilisent des outres en peau en guise de flotteurs pour fatiguer l'animal, comme pour la chasse à la baleine, et une "drogue", bloc de bois arrimé à la barque dans lequel sont fichés de nombreux harpons immédiatement utilisables à une forte cadence, ce qui permet la destruction de nombreux individus quand "l'hippopotamière" (l'embarcation) se retrouve au milieu du troupeau. Il n'a plus d'hippopotame en Egypte aujourd'hui. Le dernier présent y fut tué en 1816.
Les hébreux considèrent l'Hippopotame (Behemoth) comme "LA PREMIERE DES OEUVRES DE DIEU" (Livre de Job, 40, 14). Comme le Taureau pour les Turcs de Catal Huyuk il y a 12000 ans, ces populations estiment qu'il est fondamentalement, et de très loin, supérieur à l'Homme. Symbôle de la force pure, il est considéré comme indomptable." Est-ce à force ouverte qu'on pourra le saisir? Est-ce au moyen de filets qu'on lui percera le nez?" (Livre de Job, 40, 17); "et celui qui l'a fait l'a muni d'un glaive" (Job, 40, 14). Dans cette culture profondément imprégnée de pensée égyptienne, on peut se demander si la première oeuvre de Dieu n'est pas aussi son "premier lieutenant", "prince de ce monde", l'expression de ce qu'on appellerait le diable dans le christianisme... Mais ce peuple a peut-être intégré dans sa mythologie une partie de l'héritage des Hyksos, originaires du Moyen-Orient eux aussi...
L'hippopotame est assez fréquemment représenté dans les mosaïques romaines. Sur le plan moral, la Nature égyptienne est ressentie par les Romains comme un élément de confort essentiel, caractère s'appliquant évidemment aux animaux tels que l'hippopotame, l'éléphant ou le crocodile. Les NAUMACHIES ( batailles navales de prestige organisées dans un bassin aux limites bien définies) organisées par les Romains, impliquaient parfois la présence d'animaux marins, tels des phoques, des otaries et des morses, dont un resta célèbre pour ses prouesses. On organisa des combats aquatiques entre phoques et ours. On ne sait pas si des hippopotames se sont trouvés impliqués dans ces batailles-spectacles, ni si des naumachies animales ont opposé des hippopotames à des morses. Il fut organisé aussi des éléphantomachies et des crocodilomachies. En 58 av. J.C, 5 crocodiles et un hippopotame furent présentés ensemble au public, dans un bassin. La première hippopotamomachie au sens strict eut lieu en 29 avant J-C, puis la formule semble s'être banalisée. Par ailleurs, à une période où les combats entre éléphants et taureaux commençaient à lasser le public, le clou du spectacle devint l'affrontement d'ours et d'hippopotames. Les prélèvements excessifs réalisés en milieu naturel par les trafiquants à la solde de Rome entraîna la disparition de nombreuses espèces, dont l'hippopotame nubien au IIIème siècle de notre ère.
Il existe toutefois un nome, c'est-à-dire un territoire administratif , celui de PAPREMIS, où l'espèce entière, c'est-à-dire mâles compris,fut vraisemblablement l'objet d'un culte. Les individus furent rendus tabous par leur sacralisation, comme l'étaient les crocodiles à Thèbes et à Crocodilopolis. La référence qu' en offre Hérodote est certes extrêmement douteuse, et très laconique. On ne trouve pas trace, d'autre part, de Papremis dans la liste des 42 nomes égyptiens, alors que "le harpon oriental" et "le harpon occidental" sont, eux, bien présents! Néanmoins, on constate que l'Egypte comptait en fait 38 provinces à l'Ancien Empire, et les 42 nomes consignés rituellement dans les textes tardifs demeurèrent canoniques. Le noyau de ces futures circonscriptions semble s'être constitué dès la préhistoire, à l'époque où de petites communautés humaines s'établirent sur les rives du Nil. Ces populations apportèrent avec elles des pratiques cultuelles sans doute fort diverses. Certains évoquent une "zoolâtrie" qui s'était formée bien avant le début des temps historiques. En ces époques reculées, le dieu tribal s'incarnait dans une espèce animale (les spécialistes en ont recensé une bonne quarantaine) qui était protégée par un tabou. Par contre, la momification des hippopotames morts fut sans doute rare. Elle a bel et bien existé, puisqu'on en a retrouvé les traces indubitables, sous forme d'ossements entourés de tissus, sur deux sites au moins. La question de savoir si ces momies sont égyptiennes ou Hyksos reste néanmoins ouverte. De toute façon, plusieurs éléments, à la fois religieux et techniques, s'opposaient à une momification massive de ces animaux: les Egyptiens n'ont étendu leurs pratiques d'embaumement des corps humains à d'autres organismes vivants que vers 1000 avant J.C., c'est-à-dire au Nouvel Empire, période beaucoup plus intolérante pour le dieu Seth auquel l'hippopotame est assimilé (les 2 autres animaux émissaires de ce dieu, l'âne et le cochon, n'ont JAMAIS été momifiés, et si l'hippopotame l'a été malgré tout, c'est parce que son caractère sauvage, dangereux et imprévisible le rattachait au monde des Dieux). De plus, cet animal énorme est difficile à momifier dans de bonnes conditions: on peut s'en rendre compte en constatant que les momies du taureau Apis réalisées à la même époque ne se sont pas plus conservées et se résument elles aussi à de simples ossements. Les corps embaumés de taureau égyptien arrivés juqu'à nous dans un bon état de conservation sont beaucoup plus récentes (700 avant J.C., époque de centralisation politique, d'où les nomes ont disparu, interdisant totalement de nouvelles momifications du gros animal aquatique, qui eûssent pourtant pu être, cette fois-ci, suffisamment réussies et durables d'un strict point de vue technique). Papremis symbolise en tout état de cause la capacité de l'Egypte pharaonique à protéger, en les institutionnalisant, les cultes préhistoriques dans leur extrême diversité, y compris celui consacré à un animal auquel le reste du pays voue une éxécration absolue. Nous ne savons pas si les hippopotames blancs avaient un statut spécial à Papremis, du type, par exemple, de celui des éléphants blancs dans le royaume du Siam. Si c'était le cas, cette région allait à l'encontre absolue des comportements religieux fondamentaux de tous les autres égyptiens. C'est un peu comme si une communauté issue d'une culture baleinière choisissait Moby Dick pour Dieu. Ces éléments ont été synthétisés dans une fiction illustrée qu'ont realisée les élèves de l'école Daniel Renault, auteurs de ce site, LA MOMIE DES ROSELIERES. Elle est disponible sur simple demande à l'école (03250 St Nicolas des Biefs, Tel: 04 70 56 41 44), depuis Juin 2003. Par ailleurs, un livre pour la jeunesse raconte l'histoire d'un jeune hippopotame tombé amoureux d'une princesse égyptienne, qui se fait transformer en une miniature en faïence par un magicien pour que la jeune fille soit susceptible de l'aimer en retour: Joan Grant. The blue faïence hippopotamus. Green Tiger Press. 1984.
Il y a 10 000 ans, de nombreux hippopotames vivaient dans des lacs enchâssés dans une savane immense: LE SAHARA ! Les zones désertiques du Sahara étaient infiniment moins étendues qu'aujourd'hui, il existait plusieurs marais si gigantesques qu'ils constituaient pratiquement des mers intérieures de l'Afrique septentrionale, et le bassin du Nil était beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui, se prolongeant en largeur par de vastes marais de part et d'autre, et constituant une immense zone humide continue englobant les grands lacs de l'Afrique orientale, lac Victoria inclus. Les hippopotames y prospéraient vraisemblablement par dizaines de millions, ce qui signifie qu'à cette époque, la moitié septentrionale de l'Afrique comptait peut-être plus d'hippopotames que le monde entier ne comptait d'êtres humains. Le rôle écologique de ces animaux était probablement aussi important que celui des mammouths et mastodontes en Amérique quelques milliers d'années plus tôt, et des bisons et des castors réunis, en Amérique du Nord entre le 16ème et le 19ème siècle. Les hippopotames furent assez souvent représentés sur les pierres sahariennes. Une peinture pariétale dans le même style que celle présentée ci-dessus, dans les montagnes du Tassili n'Ajjer, représente trois hippopotames et trois canoës. D'autres montrent des chasseurs tatoués courant au milieu des gros pachydermes, ne cherchant manifestement pas à inquiéter ces derniers. Les hippopotames n'ont, semble t-il pas été chassés par les populations lybico-berbères du Sahara à l'époque néolithique, contrairement aux rhinocéros, particulièrement visés par ceux-ci. Dans la savane Saharienne proprement dite, vivaient également des buffles géants aux cornes gigantesques,des autruches, ainsi que des éléphants et des girafes en très grand nombre, ainsi que l'atteste l'art pariétal de ce musée pictural gigantesque à ciel ouvert qu'est le Sahara. Autruches et girafes étaient toujours présentes en région nilotique à l'époque pharaonique. Les dernières étaient parfois capturées, lors de grandes chasses cérémonielles, pour agrémenter la ménagerie de Pharaon, ou être offertes à des souverains étrangers. A une époque plus récente, Léon l'Africain évoque la capture, quelques jours après leur naissance, de girafeaux par des populations soudanaises. Mais la domestication de girafes semble bien remonter à l'époque du Sahara verdoyant, de magnifiques peintures rupestres ne laissant guère de doute à ce sujet. D'autre part, l'étude de certaines tombes où étaient mêlées volontairement défunts et animaux domestiques laisse conjecturer l'apprivoisement occasionnel d'éléphanteaux. Par ailleurs, de nombreuses représentations pariétales à connotation magico-religieuse semblent montrer des relations plus complexes avec les éléphants, qui peuvent être chassés, mais aussi montés, dominés ou utilisés de diverses manières.Il est de même vraisemblable que certains hippopotames aient été apprivoisés à cette époque, participant à la structuration de véritables cultures de l'hippopotame, dans des communautés qui, à ces époques reculées, vécurent dans un premier temps de façon autonome, voire autarcique, constituant ainsi les noyaux à forte identité culturelle des circoncriptions ultérieures dont l'assemblage formera ultérieurement le creuset et le moteur de la civilisation de l'Egypte antique. En tout cas, l'hippopotame lybien semble jouir d'un véritable tabou: il n'est ni chassé, ni dominé. Certains indices indiquent que les populations de ces contrées l'apparentaient indirectement à des êtres fantastiques gigantesques fréquemment représentés sur les parois, les "théranthropes". Il y a plus de 30 000 ans, le Sahara a connu une époque encore plus humide que celle que nous venons d'évoquer. Ce vaste territoire constituait alors vraisemblablement un véritable paradis terrestre pour les hippopotames.
Les hippopotames ont depuis toujours entretenu avec l'homme d'une part, les grands félins prédateurs d'autre part, des relations complexes et variables. Depuis des dizaines de milliers d'années, la terre d'Afrique est un espace dangereux pour l'hippopotame, non seulement dans les marais comme nous l'avons vu plus haut, mais aussi dans ses territoires d'alimentation, où, depuis la nuit des temps, des pièges suspendus aux arbres, les "harpons en chute verticale", attendent son passage pour lui briser la nuque. Cet animal a donc modifié son comportement, un peu comme des humains vivant dans des endroits truffés de mines antipersonnels. Dans certaines régions, il suffit de planter un pieu au mileu du champ pour que l'hippopotame évite d'aller s'y nourrir...Il est habituellement la proie, aussi bien des hommes que des félins, et parfois leur compétiteur. Il peut aussi entretenir avec eux des relations de voisinage indifférent. Dans certains cas, certains individus peuvent entrer dans une relation plus intime avec les uns ou les autres: on a filmé des enfants jouant avec l'un d'entre eux dans une pièce d'eau de leur village, (comme c'est aussi le cas avec des cabiais, sortes de ragondins géants, en Amérique du Sud). Certains individus peuvent même s'associer à des lions, des hyènes, des crocodiles autour d'un repas, comme ils peuvent le faire à d'autres animaux dans d'autres circonstances (éléphants, buffles, chiens). L'animal peut alors adopter un comportement de protecteur de son ou ses partenaires. Même si le pachyderme provoque la mort de plus d'africains qu'aucun autre vertébré, et notamment plus que le lion, l'éléphant et le léopard pris ensemble, le naturaliste R.B.White considère, contrairement à l'opinion commune ("l'animal le plus féroce d'Afrique", "l'arracheur de bras") que les hippopotames sont pacifiques et inoffensifs. Une petite femelle ayant été récupérée à la suite du meurtre de sa mère par un braconnier en 1993, elle vit dans une ville camerounaise de 100 000 habitants, où ses rapports avec les habitants et les touristes sont très amicaux. Elle accepte que l'on se promène à cheval sur elle. Capturé pour être envoyé dans un zoo européen, un autre de ces animaux s'échappa au bout de quelques jours pour rejoindre son Niger natal. Le soir même de son évasion, il fit soudain irruption dans le camp des chasseurs, réclamant manifestement pitance et litière. Chaque jour, le gros animal partait vers la rivière voisine où il se prélassait toute la journée. Le soir venu, il rejoignait la demeure de celui qui l'avait capturé, et auquel il prodiguait des témoignages d'une grande affection. Un hippopotame femelle, baptisée Huberta, de Novembre 1928 à Avril 1930, se promena à travers le Natal et la province du Cap, couvrant 600 kms. Elle entra à plusieurs reprises dans la ville de Durban. Elle visita tous les villages de la région, passant le museau dans l'embrasure des portes et des fenêtres de nombreuses maisons et boutiques. Les autorités britanniques décrétèrent qu'en tant que "gibier royal", elle ne devait pas être tuée. En tout état de cause, elle n'avait rien à craindre des populations locales qui voyaient en elle la réincarnation d'un sorcier guérisseur. Les fils d'un agriculteur illétré, la trouvant dans leur champ, la tuèrent à coups de carabine. Chacun d'eux dut payer une amende de 25 livres sterling... Un livre consacré à cette odyssée a été publié en 1961... Dans le milieu des années 60, un individu baptisé Hugo fit, lui aussi, un grand voyage. Il fut honni par les agriculteurs, mais devint très vite la mascotte de la jeunesse. Son tempérament était remarquablement complaisant. Il aimait courir et jouer avec les chiens le long de la côte, marcher derrière les troupeaux de bétail comme un chien de berger. Il allait jusqu'à accepter de bonne grâce le passage d'amateurs de ski nautique au-dessus de son dos partiellement immergé, qu'ils effleuraient parfois. Ceci serait pourtant susceptible de rendre agressif l'animal le plus débonnaire, comme une présence humaine bruyante et envahissante en permanence (cas d'un dauphin sur les côtes françaises, en août 2003).
Certains individus font l'objet d'une semi-domestication à but magico-religieux, comme ce peut être aussi le cas, chez d'autres communautés, avec un crocodile, un serpent, ou un poisson silure. On peut se faire une idée des honneurs rendus à l'animal concerné, si l'on sait que, sur les rives du las Victoria, un vieux crocodile nommé Loutembi reçoit matin et soirdes cadeaux de la part des pêcheurs, qui lui offrent leurs plus beaux poissons... Ainsi, jusqu'au siècle dernier, dans la vallée Bisa en Zambie, l'hippopotame était un animal "totem", qu'on n'avait pas le droit de tuer ni de manger. Certains individus sont considérés par les populations de culture Lozi comme les véhicules des esprits de ceux de leurs chefs décédés à l'histoire la plus glorieuse. Un ouvrage d'anthropologie consacré à ceux-ci est d'ailleurs intitulé "The hidden hippopotamus" (L'hippopotame caché). Comme dans de très nombreuses cultures à travers le monde avec plusieurs centaines d'animaux, l'hippopotame est considéré comme un animal-esprit qui guide les sorciers vers la sagesse, le comportement juste. La sagesse de cet animal est interprétée par ces derniers, à travers l'observation du comportement de l'animal, comme résidant dans son utilisation lucide et pertinente de la violence, de sa capacité à évoluer de sang-froid dans les situations les plus perturbatrices, dans la fureur maternelle si nécessaire et plus généralement dans la protection de la famille, ainsi que dans l'aptitude à s'adapter aux circonstances, en posant un oeil éclairé et neuf sur la réalité, et à faciliter l'émergence de nouvelles idées. Les mythes africains rendent bien cette image de l'hippopotame aussi bien destructeur, carnivore, que sauveur et protecteur. il est souvent considéré comme la plus sage des créatures, le roi du marais et des animaux. Un personnage fréquent dans le folklore est celui de l'hippopotame magique, indestructible et immortel. Alors qu'il dévaste les champs, les balles ne l'atteignent pas et il disparaît de façon surnaturelle. Il est évoqué dans la nouvelle "Au coeur des ténèbres", de Joseph Conrad :"les bonshommes sortaient tous en groupe et déchargeaient sur lui tous les fusils qu'ils pouvaient trouver. Mais en vain. "L'animal est ensorcelé.", et même une dépêche d'agence faisait allusion à lui en 1999, concernant un région d'Afrique centrale... Par ailleurs, les coups de feu essuyés par les hippopotames déchaînent parfois la colère des pachydermes qui peuvent revenir plus tard au même endroit pour se venger en détruisant les cabanes et les récoltes. Mais si ces animaux lancent parfois des attaques apparemment non provoquées (mais la pirogue n'est-elle pas passée sans précaution trop près du troupeau?), les "arracheurs de bras" se défendent simplement de pêcheurs qui cherchent à les braconner. Prétendre que les hippopotames sont des animaux agressifs est donc une systématisation très contestable.
L'hippopotame est parfois apprivoisé au titre d' animal de compagnie, notamment aux Etats-Unis. Des conseils pour une cohabitation harmonieuse et des soins efficaces sont disponibles sur le Web. Certains Etats, comme la Caroline du Sud, ont légiféré sur le sujet. Certains hippopotames peuvent être aussi intégrés à des numéros de cirque, où ils peuvent avoir un rôle actif. Au Mexique, on organise des tours de piste à cheval sur l'animal pour les enfants. En Inde, un hippopotame géant est dirigé par une dompteuse. Au cirque de Moscou, l'animal peut participer à des sketches avec des clowns...
Les hippopotames et les baleines sont des animaux très proches sur le plan évolutif. Leur ancêtre commun vivait il y a 54 millions d'années. A bien des égards, les cétacés, dont les individus les plus grands ayant vécu à l'époque historique sont non seulement les mammifères mais aussi les animaux les plus volumineux connus ayant jamais existé (plusieurs centaines de tonnes dans quelques cas) peuvent être considérés comme des "hippopotames marins" (comme les crustacés sontles insectes de la mer). Ils ont d'ailleurs subi un sort comparable, par l'utilisation de méthodes d'extermination assez proches. La chasse à l'hippopotame, aussi bien sur les plans anthropologique que technique, est à mi chemin entre la chasse au cachalot et la corrida. Il serait intéressant de faire écouter, comme cela a été fait avec des éléphants (mais sans succès dans ce cas) les chants des baleines aux hippopotames pour voir comment ceux-ci réagissent, et l'opération inverse pourrait aussi être réalisée. Depuis qu'ils existent, les hippopotames jouent un rôle fondamental dans les milieux où ils vivent. Leur présence est un véritable incitateur à une richesse en flore et en faune très importante, et leur destruction peut remettre en cause les équilibres hydrologiques, en provoquant à la fois sécheresses et inondations localisées, comme dans le cas de la destruction des castors. En effet, les hippopotames peuvent réaménager le cours des fleuves et réorienter leurs deltas: à la recherche d'herbes, ils tracent de véritables chemins dans le marécage, construisant ainsi de nouveaux ruisseaux de 60 cm de large. A la prochaine saison des crues, les eaux s'y engouffrent et vont inonder de nouvelles terres, où la végétation se développe, attirant de nombreux herbivores et les carnivores qui leur sont associés. Dans le même temps, les hippopotames reconstruisent progressivement le cheminement des eaux de pluies et de celles provenant des débordements des rivières. Ils redessinent aussi les profils d'écoulement de certains cours d'eau dont leur présence canalise le flux. Si les hippopotames sont nombreux, leur influence sur la distribution des eaux aura une grande influence sur la présence d'autres grands animaux:les hippopotames sont des aménageurs de territoire; ils augmentent la diversité des espèces végétales et animales dans les lieux où ils vivent et agissent. En Afrique australe, autrefois, le climat était beaucoup plus humide que maintenant. Jusqu'en 1854, les crues du fleuve Okavango faisaient violemment dégorger le lac Ngami. Les vagues énormes projetaient les hippopotames sur le rivage.
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