GRANDS MAMMIFERES FOSSILES ET ACTUELS: METHODE COMPARATIVE

 

                                 

 

RELATIONS AVEC D'AUTRES ANIMAUX

 

Les rapports avec l'environnement, et particulièrement avec d'autres animaux, peuvent être de plusieurs sortes, pour un animal (et pour tout organisme en général): pas de relation particulière, prédation (système prédateur/proie), commensalisme (vie en contiguité mais sans rapport étroit), compétition (pour un territoire, de la nourriture... celle-ci peut être directe, avec contact et opposition physique, ou indirecte), parasitisme (un animal vivant -lui-même ou par l'intermédiaire de ses enfants-de façon durable, avec un autre, lui prend plus qu'il ne lui donne), mutualisme (le parasite rend un service significatif à l'animal avec lequel il vit, et l'association devient plus solide parce qu' étant à avantages mutuels.

Nous abordons ici des relations peu connues, et probablement rares ou occasionnelles, en tout cas pas régulières, que peuvent entretenir les grands mammifères végétariens et carnivores actuels avec d'autres animaux de grande taille.

Grands végétariens entre eux.

Les éléphants africains vivent parfois en commensalisme avec des troupeaux de buffles, de zèbres et d'antilopes. Ils repoussent volontiers les autres animaux de l'endroit où ils mangent ou se désaltèrent . C'est le cas avec les rhinocéros et les hippopotames. Ces derniers peuvent même parfois être tués par des éléphants. On connait des exemples de combats entre éléphants et buffles d'une part, éléphants et rhinocéros noirs d'autre part. On connait aussi le cas de crocodiles tués par les éléphants au point d'eau, dont les cadavres ont été accrochés dans les arbres environnants!! Les affrontements, plus rares, avec le grand rhinocéros blanc africain, sont aussi moins acharnés et moins brutaux. La présence d'un petit nombre de ces animaux semble même avoir un effet apaisant sur les buffles, les rhinocéros noirs, les éléphants. On ne sait pas ce qu'il en est concernant ses rapports (si ceux-ci existent) avec les hippopotames. Au contraire, le rhinocéros noir entretient plutôt des rapports conflictuels avec les buffles, d'une part, et les hippopotames et les éléphants d'autre part, par lesquels ils peut parfois se faire tuer. Par ailleurs, les éléphants n'ont pas toujours l'avantage dans la compétition; cela dépend grandement de leur motivation.  Alors qu'un grand mâle entrant dans une mare peut créer une véritable panique chez les hippopotames, il peut arriver que dans d'autres circonstances, un seul hippopotame empêche l'accès d'un petit point d'eau à un petit groupe d'éléphants. Dans un zoo allemand, on a même vu une femelle hippopotame investir l'enclos des éléphants et en chasser l'un des locataires légitimes. Toutefois, en période de réduction dramatique de l'espace vital, les grands animaux peuvent s'affronter avec une violence inouïe, qui peut déboucher sur de véritables carnages. Ainsi, au début de l'an 2000, des éléphants ont massacré de nombreux rhinocéros noirs dans une réserve africaine où les conditions de vie s'étaient considérablement durcies: de jeunes éléphants mâles ont agressé en bande des rhinocéros noirs isolés, qu'ils ont méthodiquement massacrés. Il s'agit de véritables serial-killers: plus de 50 rhinocéros sont morts.

Une antilope Kob a même été vue chargeant un troupeau d'éléphants et les faisant battre en retraite! Très exceptionnellement, il est possible que des hippopotames consomment une partie du cadavre d'un éléphant ou d'un rhinocéros mort, particulièrement certains os. Par ailleurs, on a déjà vu un hippopotame attaquer un rhinocéros noir jeune mais presque adulte et le déchiqueter dans l'eau avec ses mâchoires.

Certains hippopotames, aussi bien en liberté qu'en captivité, ont des relations non comprises à l'heure actuelle avec des buffles et des éléphants: le gros mammifère aquatique recueille délicatement dans sa gueule la bosse dorsale du buffle, puis machonne celle-ci doucement, à la satisfaction manifeste de son "patient". Avec un éléphant, ce peut-être l'extrêmité d'une patte, de la trompe, le front ou la queue. Le cas de l'animal en captivité concernait un mâle de 6 ans qui partageait l'enclos d'une femelle de 30 ans, et s'ennuyait sans doute sérieusement en la compagnie de cette dernière. Le jeune mâle opérait alors de la façon suivante: il descendait dans le fossé, se dressait sur ses pattes postérieures, et dodelinait de la tête pour attirer l'attention des éléphants (aussi bien africains qu'asiatiques). Pendant le mordillement, l'éléphant frottait ses défenses contre celles de l'hippopotame. Dans tous les cas, il semble bien y avoir demande croisée des deux animaux. Au Zoo de Cincinnati, à la fin 1987, Gretchen l'éléphante et Cleopâtre l'hippopopotame avaient formé un couple d'amies inséparables.On ne sait pas si hippopotames et éléphants nains entretenaient des relations de cet ordre dans les îles méditerranéennes à la fin de la période paléolithique.

La gueule de l'hippopotame semble attirer de nombreux animaux. Une girafe du zoo de Londres aimait regarder à l'intérieur quand le gros animal ouvrait largement les mâchoires. Une mouette du zoo de San francisco s'amusait à foncer à l'intérieur de celle d'un autre. On connaîtaussi le cas d'une chienne boxer qui, quand l'hippopotame femelle avec laquelle elle partageait l'enclos ouvrait la gueule toute grande, lui léchait l'intérieur. Et dans l'Indiana, un hippopotame se faisait nettoyer manuellement la gueule, qu'il laissait grande ouverte pour faciliter la tâche de son partenaire, par un singe.

En Asie, les éléphants peuvent parfois éloigner le grand rhinocéros unicorne indien. En d'autres occasions, c'est ce dernier qui fait fuir tout le troupeau d'éléphants.

 

Carnivores entre eux.

En Sibérie, il arrive (rarement) que l'ours et le tigre s'affrontent. Le combat peut se conclure par la mort, immédiate ou non, des deux animaux. Par ailleurs, la réduction de leur habitat pousse désormais les tigres des neiges et les ours polaires à visiter les faubourgs de certaines villes sibériennes et nord américaines. Dans les régions chaudes d'Asie, le principal concurrent (compétiteur) du tigre -homme mis à part- est le dhole, chien sauvage chassant en bandes très organisées. Ces animaux se haïssent, et cherchent à se tuer sans que la faim les tenaille.Un grand tigre a été tué par un groupe de dholes, après avoir abattu 12 d'entre eux. Il se passe la même chose en Afrique,entre les lions et les hyènes d'une part, les lions et les lycaons (chiens sauvages aussi organisés que les dholes) d'autre part.De véritables guerres d'extermination se sont déroulées à plusieurs reprises, depuis 1998, entre lions et hyènes, avec, à chaque fois, plusieurs morts chez les félins et des dizaines chez leurs ennemis, et l'expulsion totale des populations de hyènes de la région par les lions.  Les lions peuvent parfois tuer des crocodiles de belle taille. En Asie, les crocodiles, plus petits, à la machoire moins puissante, volent parfois sa proie au tigre quand celui-ci l'a capturée dans l'eau; au bout de quelques heures, le félin va leur reprendre, car ils n'ont pas été capables de la dévorer, son cuir étant trop épais pour eux.

Les léopards, africains et asiatiques, évitent les tigres et les lions. Il existe toutefois des individus géants, aussi grands qu'un tigre ou un lion, qui, rarement, peuvent s'accoupler avec une lionne ou une tigresse.

 

Végétariens et carnivores.

Ordinairement, éléphants, rhinocéros et hippopotames adultesn'ont rien à craindre des lions, tigres et léopards, contrairement aux jeunes. Il peut toutefois arriver que certains clans de lions se spécialisent dans la capture de jeunes éléphants: ces derniers, pas encore adultes mais suffisamment âgés pour être moins surveillés que les tout petits, peuvent devenir des proies régulières des lions. Il est possible, d'après les découvertes de nombreux ossements d'animaux de cet âge aux côtés de ceux de leur prédateur présumé, que le même phénomène se soit parfois produit entre des jeunes mammouths, et Homotherium, le grand chat européen à dents de sabre.On a constaté la même chose entre des tigres qui s'étaient spécialisés, en quelque sorte,sur de jeunes  rhinocéros indiens. Les léopards capturent occasionnellement aussi bien de jeunes hippopotames que de jeunes rhinocéros ou de jeunes éléphants.

Il peut arriver que des adultes meurent sous la dent des prédateurs: les lions tuent et dévorent parfois des rhinocéros noirs, et certains groupes semblent avoir acquis un savoir faire particulier qui leur permet de tuer des hippopotames adultes dans l'eau!

C'est peut-être aussi le cas (mais on doit évidemment faire preuve d'énormément de prudence vis-à-vis des éléments suivants) pour un étrange animal amphibie à dents de sabre: on peut trouver la reproduction d'une peinture pariétale le représentant avec sa victime à la fin de la page de ce site consacré aux félins. La revue "Cryptozoologia" consacra 6 de ses numéros, d'Octobre 1994 à Mars 1995, à cet animal, dans des articles intitulés "Le mystère des hippos manquants", où il était expliqué, avec beaucoup de détails, comment, à partir de 1907, des zones très accueillantes pour les pachydermes aquatiques se vidèrent progressivement de leurs habitants, en raison des attaques d'un prédateur inconnu dont les attaques semaient la panique chez ces grands mammifères d'ordinaire si placides. Celles-ci débouchaient fréquemment sur la mort de la victime, qui avait le corps dilacéré, voire carrément épluché en lanières. Les faits se sont déroulés de part et d'autre du 10ème parallèle Sud, et presque d'un bout à l'autre du continent noir! Les différents témoignages recueillis font état des observations suivantes: l'animal est aussi volumineux qu'un hippopotame de taille moyenne, aussi trapu, avec un court pelage rouge (l'augmentation de taille intervient chez beaucoup de mammifères originellement terrestres qui adoptent un mode de vie aquatique ou marin). Les pavillons de ses oreilles sont très petits. Dans sa chasse aux hippopotames, la créature se lance dans une poursuite effrénée de sa victime, pourchassée à une vitesse hallucinanteaussi bien sur terre que dans l'eau. Une fois tuée, la proie n'est pas mangée mais réduite en lambeaux, comme si l'agresseur était poussé par une sorte de fureur meurtrière. Parfois, la gorge de la victime est arrachée. On retrouve son corps complètement déchiquetée, la chair sillonnée de longues entailles, au milieu d'une zone d'herbes et de buissons piétinés, qui fait penser à un champ de bataille. Certains observateurs affirment avoir vu "assez souvent 2 ou 3 de ces monstres s'ébattre dans les eaux basses du marais". Cet animal effrayait tellement les populations qu'à la longue, après une multiplication d'évènements dramatiques où il se trouvait directement impliqué, les hommes ne descendaient plus la rivière, et abandonnaient définitivement la chasse et la pêche dans le secteur. Hommes et hippopotames ont donc peut-être été expulsé ensemble de leur milieu naturel, dans certaines régions d'Afrique, au début du siècle dernier, par un prédateur étrange et terrible.

Christian le Noël évoque, dans un document publié en 1999, le témognage d'un ami dont le père traquait les buffles dans un marécage. L'attention de ce dernier fut attiré par des râles puissants. En s'approchant, il constata que c'était un hippopotame femelle gravement blessée qui agonisait. Celle-ci portait des blessures d'une taille et d'une forme inhabituelles, leur profondeur étant elles aussi incompréhensibles. Elles semblaient avoir été produites par une lame tranchante de grande taille (dans d'autres circonstabces, des éléphants morts ont également été retrouvés portant une profonde blessure double, le dos portant les marques de griffes puissantes. Un fauve de type machairodonte pourrait sans doute laisser des cicatrices de ce type. L'auteur du roman préhistorique "Le félin géant", J.H. Rosny-Ainé, a t-il eu vent de ces étranges évènements? Un chapitre de son livre est en effet consacré à l'assaut victorieux d'un félin à dents de sabre sur un grand hippopotame mâle adulte... Un autre témoignage évoque le cas d'un hippopotame qui avait survécu à ses terribles blessures au cou, à la gorge et au ventre. L'animal était devenu dangereux et chargeait les pirogues (séquelles psychologiques de l'agression qu'il avait subie?) Certaines blessures étaient si profondes qu'on pouvait y plonger l'avant bras. Le cuir de l'animal semblait avoir été taillé par un rasoir géant: les lèvres des blessures étaient franches comme si une lame avait été plongée profondément dans les chairs. Si les hippopotames, lors d'un combat entre mâles, sont capables de faire des blessures aussi profondes, en aucun cas elles ne peuvent être aussi larges et aussi nettes. Pour survivre à un tel traitement, la sécrétion rouge antibiotique produite par la victime avait sans doute accompli des miracles.

Par contre, on connaît le cas de trois grands lions mâles qui ont attaqué un énorme hippopotame: celui-ci, bien que blessé, a réussi à faire lâcher prise à ses assaillants. De même, un hippopotame qui franchit un bras de mer (par exemple entre la Tanzanie et Zanzibar, soit plus de 35 kms) ou qui se retrouve à l'embouchure d'un fleuve (par exemple le Ste Lucie en Afrique du Sud peut être agressé par des requins. Mais le pachyderme se défend vaillamment et met ses ennemis hors d'état de nuire.

Le cas d'un éléphant adulte tué puis dévoré par des lions a aussi été observé. Dans le magazine National Geographic de Novembre 2000, un reportage stupéfiant montre même la chasse réussie d'éléphants adultes par des lions. Les observations à l'origine de l'article avaient été effectuées au milieu des années 90, dans le parc National de Chobe, au Nord du Botswana. De même, un rhinocéros indien adulte a réussi à se débarasser de deux tigres. Des lions ou des léopards sont parfois tués par les éléphants. Ceux-ci peuvent aussi détruire des crocodiles qui les importunent pendant qu'ils se désaltèrent: pris de furie, les pachydermes font tournoyer les reptiles, les assomment sur le sol, et projettent leurs cadavres dans les arbres! Le rhinocéros qui boit doit parfois , lui aussi, éloigner les crocodiles. On a filmé aussi un hippopotame consommant un congénère, avec près de lui, une lionne qui attendait la fin du repas du maître des lieux pour avoir sa part de festin. Les hippopotames peuvent parfois partager un repas carné avec d'autres animaux, comme des hyènes et des crocodiles.

Une lionne peut adopter un petit d'une espèce-proie. Ce fut le cas, pour un même individu, à 5 reprises, entre Décembre 2001 et la mi-Octobre 2002, avec de jeunes oryx, dans la réserve de Samburu, au Nord-Est de Nairobi , au Kenya. A chaque fois, l'animal a cherché à protéger les jeunes antilopes des prédateurs, notamment léopards et lions, tout en laissant les mères naturelles allaiter ces dernières. Les riverains ont surnommé l' animal 'Kamuniak", ce qui signifie "La Bénie" en samburu....Certaines lionnes peuvent peut-être agir de même avec des éléphanteaux, de jeunes rhinocéros ou de jeunes hippopotames... On connaît aussi le cas d'une truie qui allaitait des tigreaux aux côtés de ses propres enfants, dans un zoo, en Thaïlande, pendant quatre mois, à l'initiative des responsables de l'établissement. Une tigrelle concernée par ce traitement, une fois devenue tigresse (26 mois), aimait s'occuper de jeunes porcelets et jouer avec ceux-ci (juin 2003). Et nous avons déjà évoqué l'éventualité d'un pacte par l'échange des laits, voire lacto-sanguin, entre communautés nilotiques préhistoriques et hippopotames... On a déjà observé, en Inde, une association entre des léopards (un mâle et sa femelle enceinte) et trois sangliers.

Les relations entre hippopotames et crocodiles sont souvent celles de voisins indifférents et un peu méfiants. Un crocodile peut parfois dévorer un jeune hippopotame (ou être coupé en deux par la mère excédée par sa tentative! ). Les hippopotames ont tendance à repousser les crocodiles des endroits du lac où ils trouvent le plus de confort. Certains jeunes crocodiles peuvent, aux heures chaudes de la journée, se reposer sur le dos d'un hippopotame sans que celui-ci ne fasse de difficulté. C'est également le cas pour des oiseaux, des tortues et des grenouilles. Dans certains cas, les hippopotames peuvent attirer les ibis pour que ceux-ci les débarassent des sangsues en se retournant dans l'eau, ventre en l'air et pattes ostensiblement dressées vers le ciel. D'autre part, au moins 4 espèces de poissons vivent en symbiose avec des zones précises du corps de l'hippopotame. Par ailleurs, les hippopotames favorisent certaines graminées particulièrement appréciées des lièvres africains. Il y a donc beaucoup de lièvres dans les prairies d'hippopotames, comme en Amérique, il y a beaucoup de chiens de prairie là où il y a des bisons. Il peut arriver qu'en cas de grave manque de nourriture, des hippopotames volent leurs proies aux crocodiles et aux lycaons (chiens sauvages africains) pour les dévorer! Ce comportement semble lié à une situation de sécheresse extrême.Les hippopotames tendent alors à réagir un peu comme les morses quand ces derniers sont confrontés à une pénurie de leur nourriture habituelle: ils tuent et mangent des phoques, des belougas, parfois même des narvals et de jeunes baleines franches.

Mais que penser, en revanche,du cas ou une antilope, dans le parc Kruger, en Afrique du Sud, en 1968, venue boire et grièvement blessée par un crocodile, fut lâchée par son agresseur sur l'intervention d'un hippopotame qui, par la suite, emmena la victime loin du rivage, et tenta, à plusieurs reprises, de la remettre debout sur ses pattes ? Un autre cas de sauvetage d'une antilope par un hippopotame a été constaté en 1996, dans le lac d'une retenue de barrage , au Zimbabwe: un troupeau de lycaons avait forcé leur victime à se précipiter dans le lac. Un hippopotame a poussé l'antilope avec son museau jusque sur la berge opposée, puis l'a prise dans sa gueule plusieurs fois, sans la blesser, comme s'il voulait lui redonner la force de vivre. En tout état de cause, l'antilope a survécu.

 

Par ailleurs, les hippopotames kenyans peuvent se comporter en éboueurs en débarrassant leur rivière des cadavres de gnous, morts noyés pendant la traversée de la rivière Mara. Un par un, les corps, qui peuvent se compter par centaines, sont happés dans la gueule ouverte des gros mammifères aquatiques qui les transportent hors de leur territoire.